Un début à tout

Bien souvent, les artistes se heurtent à d'infranchissables obstacles pour faire connaître leurs œuvres. Combien se sont découragés devant les méandres de la publication? Combien ne peuvent vivre de leur art ? John Marcus avait le projet de faire un film. Son souhait ne s'est pas « encore » exaucé mais il vient de publier son premier roman chez L'Autre Editions, une toute nouvelle maison d'édition.

Grace aux pratiques « militantes » de toute l'équipe de L'Autre Editions, John Marcus sort du lot des auteurs inconnus (bien qu'il ait dû faire le choix de l'anonymat). L'Autre Editions est sur tous les fronts pour assurer la promotion, la distribution et l'avenir de ce qui, nous espérons, deviendra une saga et son adaptation sur grand écran.

Alors que nous avons rendez-vous en fin d'année avec Jean-Marc Bastardy pour discuter des particularités éditoriales de sa société L'Autre Editions, aujourd'hui, c'est à John Marcus, que nous avons l'honneur de nous adresser. C'est sur le site d'Inter-Activities qu'il a choisi de s'exprimer, pour la première fois et en exclusivité.

Voici l'unique interview de l'écrivain qui sera publiée sur la « blogosphère » pour cette année 2009. Nous vous souhaitons autant de plaisir à découvrir certains mystères des coulisses de L'Eclat du Diamant, que dans la lecture de ce roman passionnant.

Christine Blanc, juillet 2009

Quand et comment est né le projet « l’Éclat du Diamant ? »

Ce premier livre s’inscrit dans une démarche plus large, un exercice littéraire auquel je m’essaye depuis plusieurs années et qui se situe entre le roman et le documentaire. Un essai au sens premier donc. C’est cette expérimentation qui m’intéresse et, surtout, le fait de savoir si je suis capable un jour d’arriver à l’équilibre littéraire qu’elle impose. J’en suis encore très loin aujourd'hui, mais je pense que le second opus de la série des enquêtes du commissaire Delajoie, par exemple, sera mieux maîtrisé. En fait, ce qui m’intéresse, ce n’est pas seulement de raconter une histoire, c’est surtout d’exprimer mon point de vue sur notre monde et, sans doute, de tenter d’explorer les problèmes de société sans tomber dans la simplification extrême.

Tenter de donner au grand public, en les vulgarisant au sens noble, des clés de compréhension pour éviter que se forment ces jugements trop manichéens que l’on rencontre souvent… La vie n’est pas écrite en noir ou en blanc, elle se décline toujours en nuances de gris. Les enquêtes de Delajoie inaugurent donc cette tentative, car chaque livre sera construit autour d’un thème précis.

Ici, dans « L’éclat du diamant », il s’agit prioritairement d’une réflexion sur les rapports incestueux que nous entretenons avec la publicité télévisuelle et la consommation. Le suivant sera articulé autour de notre rapport à l’argent, etc. Pour revenir à votre question sur la genèse de « L’éclat », il profite de mon expérience professionnelle personnelle. Au départ, c’était un projet pour le cinéma. Comme il n’avait pas pu aboutir à l’époque, j’ai décidé de le développer sous un format littéraire.

« L’Ame Noire » est annoncée dès les premières pages de votre premier polar. Avez-vous depuis le tout début prévu de faire une suite à l’Éclat du Diamant ?

Oui, il y a quatre livres qui sont déjà programmés (si jamais les lecteurs nous suivent, bien sûr) et « L’Âme noire », le dernier tome, clôturera la série (je garde le meilleur pour la fin…). Je n’étais pas trop pour cette annonce, mais je me suis plié aux raisons « marketing » de mon éditeur. Je lui devais bien quelques concessions quand même, compte tenu des risques qu’il prend pour me lancer ! Quant à la série, je l’écris comme une continuité. Une sorte de série télévisuelle où chaque épisode reprend exactement au moment où le précédent s’est achevé.

Quand pensez-vous éditer l’Âme Noire ? De quoi s’agira-t-il ? Une prequel, une sequel, ou les deux ?

« L’Âme noire » est un livre particulier, car il achèvera la série par un « pur polar », je veux dire, sans aucune problématique sociétale clairement énoncée. Histoire aussi de me démontrer à moi-même, sans doute, que je suis capable d’écrire un roman policier dans la pure tradition du noir. Bien évidemment, le manuscrit est loin d’être achevé, mais ça avance, ça avance. C’est presque une jouissance de replonger à « l’origine du mal ». Je ne vous en dirai pas plus, mais en attendant sa parution, je vous suggère quand même de ne pas manquer le prochain épisode de Delajoie : « L’homme qui rêvait »…

Quels messages souhaitez-vous faire passer à travers ce livre et ses suites ?

Je veux d’abord, comme je vous l’ai dit, dresser une sorte d’état des lieux de notre société, et ce, grâce au roman populaire. Tenter aussi de faire comprendre au grand public quelques mécanismes relativement complexes, mais sans tomber dans le simplisme. Je suis souvent moi-même frustré par la faiblesse des informations qui nous parviennent via les vecteurs de communication de masse. Souvent trop formatées et, dans tous les cas, réductrices à l’extrême.

A contrario, essayer de donner des éléments plus complets, décrire des mécanismes dans leur globalité, relier des causalités qui paraissent indépendantes, c’est, peut-être, susciter une réflexion plus poussée et permettre de formuler des jugements plus éclairés. Ma démarche peut paraitre prétentieuse, mais c’est ce que j’aime faire, pour le moment du moins… J’y exprime aussi et directement mon point de vue personnel, bien sûr. Je ne vois pas bien pourquoi j’écrirai, sinon.

Le commissaire Delajoie, son équipe ou les autres personnages du livre sont-ils des personnages existants ?

Non, l’équipe de Delajoie n’existe pas même si, bien évidemment, je me suis imprégné de la réalité policière pour tracer les esquisses de chacun des personnages et de leur travail d’équipe. Ce sont donc de purs personnages de fiction. N’oubliez pas que, malgré l’aspect documentaire, ce livre est avant tout un roman et un exercice littéraire. Alors, où commence véritablement le roman ? Où finit-il ? Pas forcément là où on attendrait le documentaire ! C’est ce travail que j’aime en fait : jouer en permanence entre la fiction et la réalité et troubler ainsi le regard du lecteur.

Plusieurs critiques disent que « L’Éclat » est un « guide de premier choix » pour la vie policière. À ces sympathiques lecteurs, je dis seulement qu’il faut se méfier parfois des apparences avec les romanciers. Ce qui a le gout du réel, ce qui sent le réel… n’est peut-être pas aussi réel qu’il n’y parait. Et ça, ce jeu d’ombres chinoises, c’est le vrai plaisir de l’écrivain. Alors, quelles sont la part et la proportion de la réalité et de la fiction ? Moi, en tout cas, je resterai bouche bée sur le sujet.

En ce qui concerne les faits, ils sont décrits de manière si réaliste et détaillée que l'on pourrait croire qu'ils sont tirés d’évènements réels. De même, vous semblez être très au fait de certains réseaux sociaux, administratifs… D’où viennent ces connaissances très approfondies ? « Marketing, publicité, audimat, coulisses et les rouages du milieu policier… »

Mon expérience personnelle bien sûr, et puis, je me suis surtout bien renseigné. La trame principale repose effectivement sur des faits existants même si je les ai amplifiés et extrapolés afin de mettre en évidence ce que je considère être des anomalies dangereuses dans cette société démocratique que nous avons construite si péniblement et que nous devons préserver pour nos enfants. Il n’y a rien de bien novateur dans ce que j’écris, je crois que c’est seulement la manière de décrire cette réalité qui est différente et, paradoxalement, qui met ainsi en exergue toute sa brutalité.

Pour prendre un seul exemple, on parle souvent des fameuses marges arrière pratiquées par la grande distribution. J’essaye d’aller plus loin que la simple dénonciation, j’essaye d’expliquer exactement ce mécanisme en termes simples, mais surtout de le placer dans un contexte plus général et de le relier aux vraies problématiques qu’il engendre au-delà du simple – et déjà scandaleux — enrichissement sans cause. Pourquoi les politiques, toutes tendances confondues, ont-ils – et continuent-ils — à laisser faire? Quels avantages en ont-ils retirés pour leurs administrés ? Pourquoi ont-ils accepté de payer le prix fort en cautionnant la disparition des commerces de proximité ? Qu’elle est la relation entre les industriels qui acceptent de payer ces marges extorquées, cette grande et si gourmande distribution centralisée et le marketing télévisuel ? Etc.

J’essaye d’aborder et de lier tous ces aspects afin de donner une vision plus complète et plus globale de ce problème au lecteur. Il peut ainsi, au-delà de l’indignation pulsionnelle, prendre conscience des véritables enjeux que ces marges arrière représentent. C’est pourquoi le roman peut perturber ou déstabiliser certains lecteurs au début du livre. En fait, la lecture semble parfois décousue. Au départ, les scènes s’enchainent sans être liées et donc il y a sans doute un aspect perturbant pour certains lecteurs qui s’attendent à trouver un « pur polar ». Mais comme le souligne une lectrice, petit à petit les éléments du puzzle se mettent en place, et « C'est à la fin que tout prend sens, et que le lecteur approuve la façon dont l'auteur a tourné son dénouement ». Je le répète : il s’agit avant tout d’un roman. Mais toute la difficulté de cette forme romancée est d’inclure justement des propos que l’on peut juger didactiques dans une trame résolument policière.

Comment décririez-vous votre style d’écriture ?

Je ne peux pas répondre directement à cette question, c’est aux lecteurs qu’il faut la poser, me semble-t-il. En revanche, sur l’intention, pour cette série particulière, j’ai souhaité une écriture fluide et directe, en phase avec la réalité qui est décrite. Je voulais surtout que le lecteur se sente immergé dans le réel, quelques que soient les différents univers dans lesquels je le fais évoluer et sans ressentir de dissonance stylistique trop marquée. On ne parle pas en banlieue comme dans le monde de la communication ou celui de la police. J’ai souhaité respecter ces différentes vérités du langage quitte, parfois, là encore, à déstabiliser le lecteur.

Comment se déroule pour vous une journée de travail ? Combien de temps avez-vous mis entre l’idée d’écrire un livre et sa distribution ?

Lorsque j’écris, c’est plutôt marathonien, de huit heures à vingt heures avec trois courtes coupures dans la journée. Comme je suis lent, il me faut compenser le rythme de l’escargot par une plus grande quantité de temps. Pour « L’éclat », j’ai mis six mois à l’écrire et environ un mois à le corriger avec l’aide de mon éditeur et de Yaël Azoulay, la directrice littéraire. J’ai du faire d’énormes concessions (plus de 100 pages retirées) mais le mal était nécessaire pour ce premier essai.