La Chronique
de Tripoli
« Ce fut le jour de la fête de Sainte Madeleine, en l’an 1209 de l’incarnation du Verbe, que la foi en notre Seigneur Jésus-Christ commença à m’abandonner…»
Guilhem sans nom
PROJET — Cinq volumes qui, grâce à la mémoire d’un moine cistercien devenu renégat, nous font revivre les conflits géopolitiques et spirituels du monde occidental au XIIIe siècle.
J’ai commencé à travailler sur cette épopée en 2004 ; je m’y suis noyé même, tant le sujet dense et polymorphe m’échappait. Je ne voulais pas raconter une histoire du catharisme ou de l’Occitanie, mais bien plutôt essayer de restituer la richesse spirituelle, sociale et politique d’une époque et d’un continent.
Je devais donc retourner très loin, aux origines des pouvoirs et des religions en conflit, afin de donner à comprendre, ou plutôt à vivre, le contexte et les motivations des protagonistes en présence.
En réalité, ce projet est né il y a plus de trente ans, au cœur de mes Corbières natales, alors que mon esprit d’adolescent se laissait bercer par les histoires de fantômes réveillés par le vent d’Autan.
Là-haut, seul, au sommet de Peyrepertuse, le navire de pierre, un de ces nids d’aigles accrochés entre le vide et le roc, le regard fiévreux nourri par la brume et l’imagination, je revoyais cet extraordinaire combat que menèrent mes ancêtres pour la liberté et dont l’issue, tragique, allait cependant modeler définitivement les contours de la France et, dans une certaine mesure, de l’Europe elle-même.
Quarante longues années de luttes terribles, de haines, de lâchetés, de fuites éperdues, d’errances, de famines, d’horreurs, de bûchers.
Quarante années de rebondissements incroyables, d’alliances, de trahisons, de défaites et de victoires ; quarante années qui verront s’affronter, et parfois mourir, les plus grands rois et les plus grands hommes de la chrétienté et, à leur suite, leurs peuples ou leurs partisans, cette cohue indescriptible de paysans, de gueux, de femmes, d’enfants, de bourgeois, de troubadours, de chevaliers, de marchands, de routiers, de prophètes et d’illuminés.
Quarante années de courage aussi, de pur héroïsme parfois, quarante années de poésie et de chants, d’amour et de joies, de prières et d’espoir, de rêves et de grandeur, de fraternité et d’amitiés. Quarante années, enfin, durant lesquelles l’Occitanie essaya de rattraper son destin.
Et, au-dessus de cette fureur, l’inflexible arbitre, l’Église romaine bien sûr, puisque« l’affaire albigeoise » fut sa chose et qui, ainsi, comptait bien montrer l’exemple à tous ces princes qui bafouaient son autorité.
L’enjeu du conflit était de taille : la survie et le pouvoir de cette église universelle, catholique donc, qui trembla davantage devant quelques bonshommes, cathares finalement bien trop chrétiens, que devant les infidèles eux-mêmes.
Fait unique dans l’histoire : une croisade de chrétiens contre d’autres chrétiens.
Ordonnée par le représentant de Dieu sur terre en la personne d’Innocent III, un des pontifes les plus intelligents de toute l’histoire de la papauté, esprit éclairé, canoniste émérite et brillant stratège, qui ne laissera pas passer cette occasion inespérée de pouvoir, enfin, essayer d’imposer la théocratie comme mode universel de gouvernement des hommes.