L'homme est un fou pour l'homme...

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Critique du livre D'os, de sang et de douleur par Christiane Poulin, Sud-Ouest

Sans doute pensez-vous, à l’ère des bibliothèques en ligne et de la surmédiatisation, tout savoir sur la maladie mentale et ses traitements. Et si vous vous trompiez ? Et si un livre, pas un de plus mais un de mieux, vous apprenait en une seule fois ce que, seules, des années de recherches pourraient permettre ?

Ce livre existe, il s’intitule D’os, de sang et de douleur, avec ce sous-titre : « Bienvenue chez les dompteurs de cerveaux ». Intéressant, non ?

« Dompter le cerveau », mais encore? Pourquoi pas avec le Summum, créé par John Marcus pour les besoins de sa démonstration dans D’os, de sang et de douleur ?

Impitoyable et romancée, ladite démonstration n’en repose pas moins sur des faits réels.

L’un des grands reproches faits par les opposants éclairés — plus nombreux qu’on ne croit — à la prescription massive de certains antidépresseurs à partir des années 90, tient au fait que, s’ils soignent le sujet, ils améliorent surtout le confort de l’entourage.

Une de ces molécules-miracle, née aux Etats-Unis, se caractérisa par la remarquable égalité d’humeur qu’elle engendrait chez les patients. Grâce à cette euphorie artificielle, la personne touchée par la mort d’un proche, par un divorce, etc., recouvrait en général les forces lui faisant défaut.

Sans doute certains y trouvaient-ils leur compte, mais pour le plus grand bénéfice d’une société désavouant tout signe de deuil, de chagrin, de tristesse, ou d’originalité comportementale.














Prescrits d’autant plus volontiers par les généralistes que les labos pharmaceutiques les y incitaient par d’alléchantes primes, les nouvelles molécules entrèrent ainsi dans la vie des Français et… y restèrent. Et ce, en dépit d’effets secondaires non négligeables et parfois mortels.

Là encore, la fiction signée par John Marcus rejoint parfaitement la réalité.

Fidèle à ses habitudes, John Marcus double son enquête scientifique d’une enquête policière. Les lecteurs de L ‘Éclat du diamant et de L’Homme qui rêvait retrouveront les figures du commissaire Delajoie et de ses limiers.

Tandis qu’on pénètre dans l’univers bien réel du Kremlin-Bicêtre, de Sainte-Anne, de la Salpêtrière, d’étranges disparitions et d’encore plus étranges cadavres de sommités de la psychiatrie ponctuent un récit à ne pas lire la nuit !

Il y a, certes, du sang et de la douleur dans ces pages, mais aussi, pour qui n’admet pas la domestication des esprits, des instants de jubilation.

Christiane Poulin