Histoire d'une couverture

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du roman D'os, de sang et de douleur

Lorsque j’ai commencé à réfléchir sur la couverture D’os, de sang et de douleur, je souhaitais trouver un visuel pouvant résumer totalement le sujet et le contenu du livre en une seule image.

C’est au cours de mes recherches que je suis tombé sur le travail du docteur Duchenne (de Boulogne). Comme la majorité des médecins de son époque, Duchenne est adepte de la physiognomonie, convaincu que ce sont les passions de l’âme qui régissent la physionomie des corps.

Il est aussi un ardent adepte de cette « fée électricité » capable, selon le corps médical, de soigner bien des maux et de révéler bien des secrets de la nature humaine (c’est la grande vogue de l’« électricité médicale »).

Armé de ces présupposés, Duchenne va entreprendre, dès 1848, une recherche originale destinée à connaître « l’orthographe de la physionomie en mouvement ». Et parce que « le Créateur a placé la physionomie sous la dépendance des contractions musculaires instinctives ou réflexes », Duchenne compose donc « un album de figures photographiées d’après nature, destinées à représenter mes expériences électro-physiologiques sur le mécanisme de la physionomie. »

De là, son célèbre traité sur le Mécanisme de la physionomie humaine ou analyse électro-physiologique de l'expression des passions, accompagné d’un atlas photographique d’expériences inédites de la stimulation électrique des « muscles de la face » afin de dégager les « expressions primordiales » et les « muscles qui les produisent », de mettre en évidence, rien de moins, que les « lois de la physionomie humaine ». Objet fantasque, étrange, dérangeant même que ce livre et ses rééditions successives, qui trouvera une place honorable dans tous les bons cabinets de curiosités médicales de l’époque — ils seront pléthores ! — et continue à nous fasciner toujours.

Contrairement au sentiment d’effroi que provoque la photo sélectionnée pour ma couverture, le sujet ne semble pas avoir (trop) souffert : « Après plusieurs années d’expériences, il m’a été possible d’arrêter à mon gré la puissance électrique à la surface du corps, et puis, lui faisant traverser la peau sans l’intéresser et sans l’exciser, de concentrer son action dans un muscle ou dans un faisceau musculaire, dans un tronc ou dans un filet nerveux ».

Quant au sujet lui-même, un patient de la Salpêtrière, « l’individu que j’ai choisi comme sujet principal des expériences représentées par la photographie dans cet album est un vieillard édenté, à la face maigre, dont les traits, sans être absolument laids, approchent de la trivialité, dont la physionomie est en parfaite concordance avec son caractère inoffensif et son intelligence assez bornée »

Cette photographie était censée mettre en évidence le rôle des « peauciers et des sourciliers » qui « concourent spécialement à peindre avec une vérité saisissante les mouvements les plus violents de l’âme : la terreur, la colère, la torture, etc. »

L’objectif semble parfaitement atteint…

Aller plus loin en ligne : Duchenne de Boulogne, médecin-photographe (1806 – 1875) par Monique Sicard